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4 octobre 2007 4 04 /10 /octobre /2007 23:10

Compensation écologique du texte publié la veille.  


Voilà plus d’un demi-siècle que le vieux poète s’était retiré du monde et habitait une petite cabane de rondins, isolée dans une forêt sauvage et hostile, au centre d’une petite île de l’archipel Ryükyü, au sud-ouest de Kyushu. Loin de l’effervescence des villes, qui nuisait à son inspiration poétique, il avait trouvé en ces lieux un ermitage favorable où il menait désormais une vie d’ascèse, vouée toute entière à la recherche du poème le plus éthéré, qui rassemblerait en quelques mots la vérité la plus universelle, un poème dont le sens et le rythme subjugueraient et envoûteraient magiquement son lecteur, un poème qui relèguerait les haïkus de Shiki Masaoka au rang de slogans publicitaires pour syndicats d’initiative nippons.  

Il se nourrissait des racines et des fruits sauvages qu’il trouvait çà et là, à l’exception de ces baies rouges qui l’avaient un jour accablé de coliques et failli lui coûter la vie. On ne l’y avait plus repris ! Il ne buvait d’eau que les perles de rosée, qui s’accrochaient fébrilement à la pointe des feuilles d’arbrisseaux épars et ne s’autorisait plus qu’un verre de Saké midi et soir ou, le cas échéant, lorsque une fouine, un blaireau, un sanglier ou un cerf s’invitaient inopinément chez lui.

Il soumettait son corps aux exercices les plus douloureux, écrivant ses brouillons avec une lourde pierre accrochée au poignet ou une autre en équilibre sur sa tête ; se privant volontairement de sommeil pendant plusieurs jours ; les nuits de pleine lune, marchant nu jusqu’au glacier pour se rouler dans les cristaux de glace durs et coupants ; soignant ses grippes de quelques herbes médicinales frottées patiemment sur son corps étique ou à grandes rasades de saké fumant.

Avant de tracer les kanji qui formeraient un nouveau poème, il plongeait dans les eaux froides de la baie pour pêcher, avec une épuisette de fortune, le poulpe qui lui apporterait l’encre la plus onctueuse, le traquant des heures durant, redoublant d’efforts pour ne pas être écrasé contre les rochers que balayaient des vagues énormes. Quand il en pêchait enfin un, il le ramenait sur la plage et vidait, dans une petite coupelle de bois, la précieuse glande ventrale gorgée de mélanine et de mucus. Puis, il relâchait la créature quand bien même il eût pu savourer sa chaire élastique, dont il ne se privait d’ailleurs pas, autrefois, et qu’il appréciait légèrement vinaigrée ou flambée au saké. En guise d’action de grâce, il consacrait un poème à l’animal :

Poulpe,

Toi qui as l’encre

Rêves-tu parfois de plume?

Il marchait ensuite de longues heures pour trouver la jeune pousse de bambou qui lui donnerait le meilleur calame.

Dans de petites boites, il élevait les vers à soie qui sécrétaient un fil délicat, nécessaire à la confection de feuilles. Durant les longs moments passés devant son métier à tisser, en faisant aller et venir la navette d’un coté à l’autre de la trame, il avait un jour imaginé ces mots, qu’il avait ensuite calligraphiés sur un morceau de papier de soie :

Mon poème

Serait fait d’air

Sans l’aide des vers.

Quoique d’assez bonne facture, ses poèmes ne le contentaient pas. Il cherchait toujours, se creusait les méninges jusqu’à mettre sa santé en péril, ne dormait plus, ne s’alimentait plus, avait réduit sa consommation de saké. Ses forces vives diminuaient et il n’avait toujours pas atteint la quintessence de son art poétique.

Et puis un jour, à force d’obstination, de luttes intérieures, de jeûnes et d’abstinences, l’idée lui vint. Il avait enfin franchi le dernier stade de son élévation. Il empoigna son calame, le trempa dans l’encre noire. Et, sur une feuille de papier de soie, il écrivit l’ultime poème, qui ferait l’effet d’une gifle, remuerait les tripes de l’humanité entière, même du plus farouche de ses adversaires, le Haïku de poing :

…….

…….   ……..

… .....1

Et pour rendre grâce aux divinités qui l’avaient inspiré, il s’accorda ce soir-là un petit verre supplémentaire de saké.


1. Si le poème ne provoque pas chez vous la réaction attendue, c’est que sa traduction est assez médiocre. Désolé  pas pu faire mieux.

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3 octobre 2007 3 03 /10 /octobre /2007 23:08
 
 

Texte inspiré par la condition humaine de René Magritte. 

La vue sur le grand chêne était pittoresque, le soleil au beau fixe et Monsieur Flegm se sentait l’âme d’un peintre. Après le déjeuner, il posa toile et chevalet près de la fenêtre du salon, sortit crayons, huiles et pinceaux et traça, à la mine de plomb, une ligne d’horizon et deux points de fuite.

Il pressentit, en voyant en face de lui les champs de tournesols et de coquelicots, que ses restes de peintures jaune et rouge ne suffiraient pas. Il appela ses gens, il était hors de question d’entreprendre une œuvre qui resterait inachevée faute de couleurs : ces coquelicots et ces tournesols fourniraient suffisamment de matière pour concocter de nouvelles huiles.

On arracha alors toutes les fleurs du champ ; en cuisine, on fit bouillir leurs pétales dans de grandes cuves ; on filtra le tout et, après quelques tours de chimie, on obtint des pigments d’assez bonne facture. Aussi, les graines oléagineuses des tournesols produisirent un liant de première qualité.

En regardant à nouveau attentivement le paysage, Monsieur Flegm se rendit compte que c’était désormais la verdure qui dominait et qu’à nouveau, la peinture ferait défaut. Il fit venir ses jardiniers pour qu’ils concassent l’herbe grasse dans des mortiers, jusqu’à l’avoir réduite en une poudre fine. Mêlée à l’huile de tournesol, elle fournirait une peinture verte sans doute très respectable.  

Malgré ses efforts et de nombreux mélanges, Monsieur Flegm n’arrivait pas à rendre sur sa palette la teinte véritable de l’étendue de terre qu’il avait en face de lui. Excédé, il fit venir l’intendant. Il n’y avait qu’à se fournir à la source ! On rassembla pelles et pioches et le ballet des camions à bennes commença. On aurait désormais une peinture brune fidèle à la réalité et qui plus est en suffisance.

Mais le papier vint à manquer, qui devait servir aux études préparatoires du grand chêne. Qu’importe ! Monsieur Flegm fit abattre l’arbre. Après avoir ôté l’écorce, on récupéra les fibres de l’aubier, qu’on fit bouillir dans les cuves à peine nettoyées. On put ainsi confectionner une pâte à papier, dont on tira de très bonnes feuilles à dessin.

Mécontent d’un premier jet sur toile, Monsieur Flegm décida de reprendre à zéro, même s’il lui manquait à présent un support. Par un heureux hasard, dans la région, on s’activait à la récolte du lin. Monsieur Flegm acheta tous les stocks disponibles et se fit tisser de nouvelles toiles. Pour construire le châssis de celles-ci, on coupa encore quelques jeunes arbres de la propriété.

Au même moment, des géologues annonçaient la découverte de gisements de potasse et de fer au cœur de la colline avoisinante. De parfaits pigments ! Il manquait justement à Monsieur Flegm, pour son ciel, un bleu digne de ce nom ! Afin d’en extraire les précieux minerais, de puissantes excavatrices éventrèrent et rasèrent la colline. Excellent ! C’était à l’horizon une plus vaste étendue de ciel et, sur sa toile, une plus grande plage libre pour le bleu de Prusse qu’on lui concoctait.  Mais les fumées des machines et la poussière qu’elles soulevaient assombrissaient le ciel, si bien que Monsieur Flegm, toujours attelé à sa toile, commença à manquer de noir. Il décida encore une fois de sonder le sous-sol de sa propriété pour trouver de nouveaux pigments. Lorsqu’on lui annonça qu’un gisement de pétrole avait été découvert, il fut soulagé d’avoir désormais à sa disposition la couleur qui rendrait parfaitement l’atmosphère du lieu. On installa alors de grandes tours de forage.

Puis, Monsieur Flegm se lassa, se dit qu’après tout il n’avait pas le talent d’un Magritte. Tous ses efforts resteraient vains. Mais il ne désespérait pas de mettre à profit ses talents d’artiste. Il prit une plume, une feuille de papier et traça ces premiers mots :

Le cadre est pittoresque, le soleil au beau fixe et je me sens l’âme d’un poète. Après le déjeuner, j’ai posé une feuille de papier près de la fenêtre de ma chambre …

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2 octobre 2007 2 02 /10 /octobre /2007 23:06
oreille-d65d7.jpg

Depuis qu’une limace a investi la cavité interne de mon oreille, j’entends de la réalité un autre son de cloche. Le bruissement des êtres autour de moi s’est d’un coup amolli et les marteaux-piqueurs ne s’enfoncent plus que dans le chewing-gum des trottoirs.


Si je m’accommode bien des discours mielleux et écoute enfin, avec soulagement, la foule de mes adversaires donner du mou, je supporte plus difficilement que toutes les musiques deviennent contre mon gré sirupeuses. Mon Jazz se relâche : la batterie et la contrebasse lourdingue ne scandent plus de rythme mais débitent un chapelet de sons flasques, autour desquels s’agglomèrent les arpèges de pianos ramollos et les trémolos de guitares blettes. Les improvisations mollassonnes d’un saxophone ou d’une trompette ne rendront pas ce brouet moins indigeste.

Rien à faire ! J’ai même assisté tout à l’heure impuissant à la métamorphose en glaise de la plus âpre musique rock.
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1 octobre 2007 1 01 /10 /octobre /2007 23:04

Avachi, lamentable, dans son sofa, les chairs pendantes et molles, l’abdominable homme des villes.

 

-

 

Quand d’une humeur orageuse, il se met en colère, tonne, fulmine, poursuit son monde de ses foudres, il ne parvient guère qu’à faire s’envoler un papillon à l’autre bout du monde.

 
-

 

« Assaillants, voici nos torses ! » crient les uns, altiers et prêts à la mêlée ; « Os saillants, voici nos tarses ! » rétorquent les autres en les gratifiant de grands coups de chaussettes à clous.


-

Je rêve d’élever un animal redoutable, l’huître qui fera une perle du grain de sable dans l’engrenage.

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30 septembre 2007 7 30 /09 /septembre /2007 23:01

Ce soir là, peu après l’heure du coucher, fermement décidé à remplir ses devoirs conjugaux, Monsieur Flegm décida de quitter sa chambre pour rejoindre celle de son épouse. Il frétillait déjà des orteils sur la descente de lit (une peau de tigre autrefois mangeur d’homme et dont le poil chatouillait à présent agréablement les pieds), lorsque son épouse, déjà couchée, remarqua sa présence au-dessus de son épaule en étouffant un petit cri. Stupéfaite et visiblement très retournée, elle semblait néanmoins consentir à partager son lit.

Monsieur Flegm retira son pyjama et s’immisça à tâtons sous les couvertures. Comme de petites taupes lubriques, ses mains boudinées se frayèrent un chemin jusqu’aux hanches de son épouse et se mirent à caresser le satin d’Italie de sa chemise de nuit. Brûlant d’impatience Monsieur Flegm se rapproche ; il passe maintenant sa main droite sous le bras de son épouse et tâte avec le pouce et l’index la dentelle fine du décolleté. Sa main gauche saisit un pan de la chemise de nuit, la fait remonter lentement jusqu’à hauteur de fesses. Il gigote, se débarrasse d’un violent coup de rein de l’épais couvre-lit de velours rouge qui entrave ses mouvements. Il ne ramène sur ses ébats que la couverture de soie fine. Les membres s’agitent, les draps se froissent crescendo. Monsieur Flegm, emporté dans ses mouvements, griffe frénétiquement le matelas recouvert d’un drap de coton d’Egypte. De quelles profondeurs venait donc cette subite furie qu’il n’avait jamais connue à son épouse ? Le lit à baldaquin tremble de plus belle. Monsieur Flegm profite qu’un rideau de gaze passe miraculeusement au-dessus de lui pour éponger son visage qui ruisselle de sueur. Ivre de plaisir, il replonge ensuite sa tête dans l’édredon de duvet de cygne, mord à l’intérieur jusqu’à le déchirer. Des plumes se répandent dans l’air moite de la chambre où les râles succèdent aux suffocations.

« Mais voyons, chéri, que vous prend-il ? »

Dans l’encadrement de la porte, Madame Flegm, vêtue de sa robe de chambre de moleskine rose, venait d’entrer dans la pièce. Elle tenait sur un plateau une théière fumante et deux tasses de porcelaine.

Embarrassé, Monsieur Flegm s’interroge en saisissant, sur le lit, la chemise de nuit de son épouse désespérément vide. Mais comment avait-elle bien pu faire pour lui glisser encore une fois entre les doigts?

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29 septembre 2007 6 29 /09 /septembre /2007 22:59

De Cécile Volanges à Sophie Carnay aux Ursulines de…

Paris, ce 3 Août 17**.

Tu vois, ma bonne amie, que je te tiens parole, et que les bonnets et les pompons ne prennent pas tout mon temps ; il m’en restera toujours pour toi. J’ai pourtant vu plus de parures dans cette seule journée que dans les quatre ans que nous avons passés ensemble ; et je crois que la superbe Tanville aura plus de chagrin à ma première visite, où je compte bien la demander, qu’elle n’a cru nous en faire toutes les fois qu’elle est venue nous voir dans son in fiocchi. Maman m’a consultée sur tout, tout, tout, et elle me traite beaucoup moins en pensionnaire que par le passé. Eh ! J’ai une femme de chambre rien qu’à moi ; j’ai une chambre et un cabinet dont je dispose, et je t’écris à un secrétaire très joli, dont On m’a remis La clef et Où je peux Renfermer Tout ce que je veux. VraiMent, je trouve cela trop trOp bien ! MaMan m’a dit que je la Verrais Tous les JouRs à son Lever ; qu’il sUffisait que je FuSSe coiffée pour dîner, parCe que Nous SeriOns touJours SeuLes, et qu’alOrs L me dirait chaque JouR l’heure Où je DevRais l’aller jOindre l’aprèM. Le Reste du TempS est à Ma diSposiTion, et G Ma Harpe, Mon dess1, et Des LiVreS cOmme au CouVent ; si Ce N’eSt que la MèRe PeRpEtUe (Je L’AiMaIs TrOp PaS) n’est Pas Là pour me gronDer, et qu’il ne TiendRait K’à Moi d’êTre TouJours 100 riEn Faire! LoL ! : Mais cOmme je n’é pas Ma PuCe pOur caUseR ou PoUr RirE, j’M autant m’OccUpeR. G eu Trop PaiSiR, Je t’AssuR, D'aVoiR PaSSé tout Ce TeMpS AvEc ToI, Au KoUvEnT Mais c’EtAit TrOp TrOp CoUrT !!!!!!!!!! On A Pu RiGoLeR Et PaRlEr. MaIs BoN, FaUt Qu'On Se ReVoiT EnCoRe PoUr + DiScUtEr ! On A MêMe Pu FaIrE QuElQuEs PoRtRaItS Ou On Se La PeTe D'aiLLeuRs ;-) M'EnFiN, En FaMiLLe On FaIt N'iMpOrTe QuOi AuSSi TmTc BrEf ToUt Ca PoUr DiRe QuE Je T'AdOrEs ChaNgEs P@s P@RcE Ke MêMe En Vr@i T SuPeR ! GrOs GrOs Bi$oU$ M@ PuCe A12C4 J'SpR. Je t'M FoRt.

Bizz çaufy ;-))) Et LâChE ToN CoM !

CéCiLe
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29 septembre 2007 6 29 /09 /septembre /2007 22:55

Difficile de lui donner un âge, ce sont des dents de lait qui percent sa prothèse.

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Il est curieux que le paresseux, de la famille des édentés, lequel ne connaîtra jamais la douleur fulgurante d'un nerf à vif au contact d'une fraise, puisse s’appeller également .

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C’est chez une jolie et jeune dentiste, peut-être un peu bavarde, qu'une fois par mois, au cours de ces dernières années, je suis allé me faire arracher les dents.
A moins que je ne la confonde avec ma coiffeuse. 

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J’étais à ce point sur la paille qu’il m’a fallu payer avec mes dents en or la longue, difficile et coûteuse extraction de ces dernières.

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Si l’on avait des dents au bout des doigts, en lieu et place des ongles, il est fort à parier que les poignées de mains seraient beaucoup moins cordiales et le pince-fesse plus durement sanctionné.

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Pendant le sanglant et douloureux arrachage d'une de ses molaires, l'étymologiste crut extraire du mot boucherie la véritable racine.

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28 septembre 2007 5 28 /09 /septembre /2007 22:53

Le marquis de Sade.- Je vous ai conviés, mes amours, à une petite activité inédite qui, je l’espère, vous réjouira.

Mme de Saint-Ange. - Je ne peux douter, Marquis, que si notre présence vous a semblé opportune, il s’agira d’un jeu extravagant et exquis.

Le marquis de Sade.- Il est vrai que lorsque je songe à quelque nouvel amusement mes premières pensées vous sont toujours destinées, madame, mais il ne sera pas tout de suite question de libertinage aujourd’hui.

Le chevalier. - Cessons donc là ce badinage ! Et dites-nous vite de quoi il s’agit ! Mes sens déjà s’échauffent !

Le marquis de Sade.- Que votre impatience se laisse difficilement dompter, chevalier, ménagez vos forces pour tout à l’heure ! Que dites-vous de cela : je suis certain que d’indélicats ingénus ont l’audace de jeter sur nos raffinements libertins leur regard trivial.

Mme de Saint-Ange. - Foutredieu !

Le chevalier. - Ma foi, c’est une bien étonnante nouvelle! Mais d’où tirez-vous donc vos certitudes ?

Le marquis de Sade.- En me promenant alentour hier matin, j’ai aperçu, au pied de cette fenêtre, trois jeunes gens venus sans doute dans l’espoir de surprendre nos libertinages.

Mme de Saint-Ange. - Foutre !

Le chevalier.- Eh bien, marquis ! Tu ne me verras jamais plus prompt à te satisfaire que dans ce temps de contrariété !

Le marquis de Sade.- Il convient donc de munir cette fenêtre d’un rideau que nous tirerons en temps voulu.

Chevalier, tu t’accroupiras près de ce mur de manière à ce qu’il me soit possible de passer mes jambes par dessus tes épaules ; tu te relèveras ensuite en prenant garde de ne pas me laisser choir. Dans cette posture, il me sera loisible d’atteindre le sommet de la fenêtre et d’y installer deux crochets. (tout se dispose)

Le chevalier.- Me trouves-tu bien de cette manière ?

Le marquis de Sade.- Un tant soit peu à gauche, là, bien… A présent, madame, munissez ce vilebrequin de la plus énorme mèche et donnez-moi le tout. (Mme de Saint-Ange ouvre une cassette qui est remplie de mèches, et notre héros choisit la plus redoutable.) Bon ! celle-ci, dit le numéro, a dix pouces de long sur quatre de tour. Arrangez-moi cela !

Mme de Saint-Ange. - En vérité, Marquis, vous êtes fou, et vous allez perforer trop avant la cloison avec cela !

Le marquis de Sade.- Ne craignez rien ! Enfilez cette mèche mon ange et donnez-moi le vilebrequin.

Mme de Saint-Ange. - Ma foi ! comme vous voudrez ! (elle s’exécute)

Le marquis de Sade.- Dame ! il me faut redoubler d’effort pour la faire pénétrer dans ce chambranle! Tiens bon chevalier ! et positionne toi à présent à droite de la fenêtre afin que je perce un nouvel orifice! (la position s’arrange.) Vous, madame, donnez-moi crochets et vis sans tarder, lesquels, enfoncés dans le mur, soutiendront la tringle à rideau. Vite, je crois que le chevalier n’en peut plus !

Le chevalier.- Sacredieu! Il me faut dès à présent me décharger ! Faites vite, je me meurs !

Le marquis de Sade.- Voilà qui est bon ! (l’attitude se rompt) Maintenant que le plus dur est derrière nous, il ne nous reste qu’à faire passer la tringle de bois à travers les anneaux du rideau et, pour suspendre le tout, Chevalier, tu me prendras à nouveau un court instant sur tes épaules. Nous en aurons alors terminé avec cet arrangement ! Vous, mon ange, pendant ce temps, vous vous mettrez à l’aise afin d’être tout à fait prête pour donner une tournure libertine à cet après-midi. (La position s’arrange.)

(Rideau.)

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27 septembre 2007 4 27 /09 /septembre /2007 22:47

                  A peine sortions nous des portes du palais

           
Pour goûter de la mer les salubres bienfaits,

            La douce Mélanie s'avançait noble et fière,

            De ces lieux seul un homme entachait le mystère;

            Sa tête d'une poire adoptait le contour;

            Vers les eaux, lentement, il portait un pas lourd.

            Levant les yeux au ciel, Mélanie s'inquiète :

«Pourquoi donc un canard cancane sur nos têtes?

Il semble nous guetter d'un œil plein de courroux

Et je crains d'être enfin la cible de ses coups.

Je penche pour le choix d'une prompte retraite…»

Le volatile odieux, l'impitoyable bête

N'attendit pas qu'elle eût achevé de parler

Pour s'abattre sur elle et d'un coup l'attaquer

Le perfide canard, aveugle à sa détresse,

De son bec jaunissant, lui mordille une fesse,

Ou pince ses mollets! Elle crie au secours,

Mais nul du châtiment ne vient changer le cours.

Pire! arrivent soudain, criant à mes oreilles

Poulets, cailles, dindons, oies, pintades, corneilles

Qui tous l'infortunée s'en viennent becqueter.

Las! dans une racine, elle se prend les pieds!

Voilà ti pas qu'ell' tomb' au milieu d'la volaille

Qui caquète, cancane et glougloute en pagaille,

J'entends le dernier cri d'un' féminine voix

Au milieu des coin coin des cui cui des crôa crôa

Ça trompette, ça craille et pis encor' ça piaule;

Je ne vois d'Mélanie qu'à peine un bout d'épaule.

Pour vous raconter ça, moi, j'ai sauvé ma peau,

Si vous me croyez pas, suivez les cris d'oiseaux!

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26 septembre 2007 3 26 /09 /septembre /2007 22:44

Ayant cherché en vain la trace du carapaçon dans plusieurs ouvrages lexicographiques, je suis forcé de constater qu'il n'en a, paraît-il, jamais été question d'aucun. Et, dans chaque dictionnaire, le caparaçon rencontré quelques pages en amont de la place irrévocablement vacante, ne parvient pas à me satisfaire, ni dissiper mon inquiétude.
Le carapaçon se serait-il rétracté sous sa carapace au point d'annuler sa nécessité ou se serait-il tout simplement carapaté comme tant de mots rares, faute d'usage ?
Se peut-il que le beau spécimen de carapaçon, qui se pavane dans mes appartements à longueur de journée, qui s'ébroue sans vergogne sur ma moquette et se fait les griffes sur mon sofa, soit seulement un bâtard unique issu du croisement de deux consonnes?
Mais chut! je le vois qui me toise. Ne le contrarions surtout pas, tout doux, tout doux, mon mignon! Qui sait de quoi est capable cet hapax rapace?

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Où il sera question de l'ouragan qui fait battre des ailes un papillon à l'autre bout du monde et de l'huître qui fait une perle du grain de sable dans l'engrenage ...

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